Seï Shin Tanren
La forge d’un esprit pur
Puis une fois la forme désirée acquise, une cristallisation s’effectue un peu à la manière de la trempe, et l’esprit est alors inaltérable … jusqu’à la prochaine opération de forge. L’esprit du pratiquant repose sur des braises.
Tout comme le métal insuffisamment travaillé, le pratiquant qui manque d’entraînement ou qui ne se donne pas assez ne permettra pas à son esprit d’atteindre une température suffisante et la forme de cet esprit restera inachevée… On ne trempe pas un métal qui n’a pas assez chauffé. En Budô, le métal (l’esprit du pratiquant) est chauffé progressivement par les techniques de base, les rudiments de l’étiquette du Dojô, la mise en forme physique. Cela peut prendre 18 mois à 2 ans. Ce sont par exemple, l’étude des mouvements de Judô d’une manière statique, les chutes et la condition physique. Pour l’Aïkido, c’est le Ko no Geiko, pour le Jodo les Kihon et Omote, ou Shoden pour l’Iaïdo. C’est une période ou les coups de marteaux sont encore rares, le métal repose sur des braises à une température bien déterminée afin de ne pas brûler le métal avant de l’avoir travaillé. Puis la température s’élève sensiblement. Périodiquement, le métal est sorti de la forge pour être battu, replié, étendu, replié encore et tourné dans tous les sens. Cette chaleur intense est fournie par le travail plus dynamique du Randori et de la compétition du Judô ainsi que dans d’autres disciplines. C’est le Ju no Geiko en Aïkido, Chudan et Ran Aï en Jodô, Chuden en Iaïdo. Plus l’intensité de la chaleur est grande, plus le métal est malléable. Quant aux coups de marteaux, ce sont les douleurs bravement assumées, les défaites péniblement mais vaillamment digérées, les périodes de découragement précédant celles de l’espoir, les remises en question menant à de douloureuses contorsions mentales et aboutissant à des bribes de sagesse, bref, tout ce qui rythme une vie de pratiquant de Budô, avec tout ce que ce terme de pratiquant implique…